Scandaleux ou insolite, le gouvernement haïtien verse chaque année au moins 800 mille dollars américains à des lobbyistes aux Etats-Unis pour soigner son image aux yeux des officiels américains.
Il est plus qu’un constat, c’est toute flagrance, les haïtiens vivent aujourd’hui l’une des pires périodes de leur histoire de peuple. Avec 80% de sa population vivant au-dessous du seuil de pauvreté, l’inflation, le kidnapping, la terreur des gangs organisés, le dysfonctionnement relatif des écoles et universités, l’incompétence et l’impuissance évidentes des autorités de l’état, l’abîme se creuse à une vitesse exponentielle et inquiétante.

Et par-dessus tout, avec un président contesté par toutes les franges de la société, le gouvernement trouve des moyens exorbitants pour s’offrir des services de lobbying chez le géant Nord-américain. Le souci premier de Jouvenel Moïse serait alors d’avoir bonne presse aux yeux du gouvernement Biden?
En effet, selon un article paru dans les colonnes du journal floridien Miami Herald sous la plume de Jacqueline Charles qui cite des enregistrements auprès du ministère américain de la justice, le gouvernement haïtien verse annuellement 804 mille dollars pour des frais de lobbying à des lobbyistes américains. Une somme qui est réellement plus importante puisque les contrats ne sont pas tous publiques.
Les contrats sont passés par l’ambassade d’Haïti aux USA et par l’ambassadeur Bocchit Edmond, arrivé à ce poste en dehors de prescrits légaux. Ce dernier ayant déclaré au Miami Herald « A l’heure actuelle, notre pays est confronté à de graves problèmes de sécurité qui nécessitent de rechercher toutes les voies pour obtenir de l’aide. La sécurité nationale est une entreprise couteuse pour tous les états ». Arguant que des pays vulnérables comme Haïti doivent trouver des moyens de faire entendre leurs voix dans les couloirs du pouvoir de la nouvelle administration américaine en train de se concentrer sur leurs propres problèmes.

En mars 2021, Ralph Patino, donateur influent démocrate a enregistré son cabinet d’avocats à Coral Gables, Patino and Associates, en tant que lobbyiste au nom du gouvernement haïtien. Un contrat qui lui génère 37 mille dollars par mois. La firme aurait pour mission de consulter et de fournir des conseils stratégiques à l’ambassade d’Haïti aux USA afin de consolider une relation positive avec les USA. Selon le journal, Patino and Associates dans sa mission a aussi fait appel à l’ancien ambassadeur des Etats-Unis en République Dominicaine, James Walter Brewster Jr comme consultant à temps partiel pour une somme de 15000 dollars. Le quotidien n’a pourtant pas spécifié si cette somme est versée mensuellement.
Une autre firme basée à Miami, le Latin America Adversory Group a eu un contrat avec le gouvernement haïtien aux mêmes fins, contrat prolongé jusqu’en Janvier 2020 où l’entreprise a profité pour faire passer ses honoraires de 8000 à 25000 dollars par mois. La firme a fait appel à Carlos Suarez, ancien directeur exécutif de la J/P Haitian Releif Organization, créée par l’acteur Sean Penn après le séisme meurtrier du 12 janvier 2010 et à Ronald Eric Baldwin, conseiller démocrate en matière de collecte de fonds et de célébrités, ce pour aider aux efforts de lobbying au nom du gouvernement haïtien selon les documents qui ont été déposés. Les deux spécialistes des pays de la Caraïbes ayant été choisis pour leur connaissance du pays selon le patron du Latin America Adversory Group, sont payés chacun, 7000 dollars américains par mois.
A Damian Merlo, fondateur de la firme de déclarer « J’ai travaillé en Haïti pendant près de 10 ans et j’ai fait partie de l’équipe de campagne de Moïse et je travaille pour mieux informer les décideurs américains sur la situation en Haïti et pour travailler à un referendum constitutionnel bien nécessaire et encore présidentiel, élections législatives et locales. »
Une autre lobbyiste qui n’a pas répondu aux efforts de contacts du journal, Johanna Leblanc, détient aussi un contrat de 5000 dollars par mois pour interagir avec les responsables dans le gouvernement américain et des entités publiques afin de promouvoir les intérêts de l’état d’Haïti et de ses citoyens aux Etats-Unis.

Par ailleurs, selon le Miami Herald, l’homme d’affaires haïtien, Reginald Boulos, a déployé des efforts à travers le cabinet Estopian Group LLC pour contrer les agissements de Jovenel Moise à ce niveau.
Si des membres du congrès américain demandent depuis tantôt à l’administration Biden de prendre une position plus dure à l’égard du gouvernement haïtien en plaidant pour une transition comme la plupart des regroupements politiques en Haïti, Jovenel Moïse défend un mandat qu’il dit terminé en février 2022, point de vue partagée par la nouvelle administration américaine et poussée par les lobbyistes à travers des communiqués de presse, d’articles d’opinion et de réunions.
Quant à lui, le professeur principal au Center for Latin American and Latino Studies qui est aussi un expert d’Haïti, Fulton Armstrong a pointé du doigt la réticence apparente de l’administration Biden à proposer une nouvelle stratégie vis-à-vis de la situation compliquée d’Haïti. Selon lui, l’administration américaine n’est pas bien informée, pas bien engagée, n’a pas de hauts fonctionnaires ayant une expérience en Haïti, n’a pas de secrétaire d’Etat adjoint pour l’Amérique Latine et c’est pourquoi selon lui , les efforts de lobbying du gouvernement haïtien peuvent tout simplement fonctionner.
Le marché du lobbying aux Etats-Unis est un secteur d’affaires important et rentable. Cependant au service de ces politiciens des pays comme Haïti, retenu sous le joug de la corruption par des dirigeants à qui le nom ne convient même pas, les inquiétudes sont justifiables.
Quand il est dit que le régime PHTK a le soutien des Etats-Unis d’Amériques dans leurs démarches dictatoriales et de délinquance administrative et institutionnelle, serait-ce la résultante du lobbying et de la négligence du gouvernement américain a l’égard de la situation d’Haïti ?